Forum RPG université - Rainbow University
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Forum RPG se déroulant dans une université à Tôkyô. Elle accueille des élèves doués de talent particulier pour la musique, le sport, la cuisine etc. Cependant, des meurtres ont lieu...
 
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 « L'affection et la naïveté muette disent bien plus en disant moins. »

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Shû Nakamura
Administrateur
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Shû Nakamura


Messages : 398
Classe : Première année, littérature, option théâtre.
Chambre : Chambre une. (Pourquoi faut-il qu'il soit dans la même chambre que ce Diable de Shiro ?!)
Activités/Passions : Shû aime lire et écrire, le théâtre, la musique. Le sucettes. Les gâteaux. Les animaux. Les fleurs. La nature. Les peluches. Les gens. Les câlins.
Sexualité : Insexuel ! *BAF*

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MessageSujet: « L'affection et la naïveté muette disent bien plus en disant moins. »   « L'affection et la naïveté muette disent bien plus en disant moins. » EmptyJeu 16 Sep - 19:19

    Il avait encore était naïf. Vous me direz, il l'est en permanence. Simplement, il ne s'en rend pas compte en permanence. Cette fois, si. Il avait vraiment cru, pourtant, qu'il n'y aurait rien derrière tout ça. Mais non. Evidemment.
    Des élèves de quatrième année l'avaient interpellé. Il savait qu'ils étaient en option théâtre, il les avait vus jouer dans l'université. Il était allé vers eux. Ils lui avaient parlé. Parlé, parlé, parlé. Peu à peu, amené la conversation sur les exercices, devoirs à rendre. S'éloignaient, au fur et à mesure, progressivement, de la cour, visible par tous, pour s'égarer dans un angle mort. Ils en avaient discuté, de ces devoirs. Shû était plutôt doué, en rédaction. Eux non, ce pourquoi ils avaient choisi les sciences. Faire des comptes-rendus de pièces, il aimait ça. Ils allaient souvent en voir grâce à leur option. Et à chaque fois, un compte-rendu était demandé. Ils avaient sorti les leur, mis en commun. Et Shû, gentil, avait voulu « jeter un œil ». Puis, il avait pointé du doigt quelques formules maladroites. Attiré l'attention sur de mauvaises interprétations. De faux souvenirs. Alors, il leur avait indiqué ce qu'il aurait mis, ce qui était plus correct. Souligné, au crayon gris. Pris une feuille. Réécrit les mauvaises formules. Pris une copie-double. Réécrit le compte-rendu, tel qu'il l'aurait fait. Ils avaient le temps. C'était la fin des cours. Et, petit à petit, il avait corrigé, véritablement, leurs comptes-rendus. Pour finir, sans qu'il s'en aperçoive, il les avait faits. Ils étaient trois. Cela lui avait pris du temps. Pas tant que ça, remarquez. Ce n'était pas une dissertation, de même. Et puis, il n'y avait pas énormément d'interprétations possibles. Il s'en était aperçu, quand même. Avait bredouillé, vaguement, qu'il était en train de faire leur devoir… Mais ils avaient répliqué, non, c'était juste de l'aide. Il avait continué. Avait réitéré son bafouillage, sûr de lui. Ce n'était pas la première fois, il le savait, enfin, quand il faisait les devoirs pour les autres ! Et là, oui, c'en était ! Leur voix s'était faite plus rude. Shû avait continué à écrire. Il mit le point final, leur dit que ce n'était qu'un exemple pour eux. Il les leur redemanderait. Ils l'avaient menacé. L'angelot avait voulu être hardi. Il s'était fait ennemi de loups. Les loups, forts, grands, l'avaient mis debout. Les loups, forts, grands, l'avaient coincé contre le mur. Les loups, forts, grands, l'avaient frappé. Injurié. Menacé. S'il osait demander ces feuilles, ils frapperaient bien plus fort, détérioreraient sa mine enjouée. Et il n'aurait plus jamais envie de sourire. Si jamais il allait les dénoncer, il ne le pourrait peut-être même plus.
    (Et tout ça pour un devoir.)
    Ils étaient partis après s'être assurés de la compréhension de l'ingénu, minable, frêle, bon à rien. (Et leurs devoirs, alors ?)
    Shû avait compris. Mais trop tard. Il n'était pas beaucoup blessé. Ce n'était rien en comparaison aux coups d'Akihira. Ils n'étaient pas aussi forts que lui. Mais, coincé contre le mur, agrippé par le T-shirt, il lui était impossible de bouger.
    Le jeune comédien avait juste quelques maques sur le corps et saignait du nez. Il alla mettre de l'eau froide, resta quelques minutes dans les toilettes. Revint vers sa chambre, vérifiant que Shiro n'y était pas (il n'avait plus peur que ce dernier se moque de lui, mais il ne voulait pas qu'il le voie dans cet état, deux fois lui suffisaient), pris de la pommade qu'il appliqua sur ses blessures. Ce n'étaient que de faibles coups, au plus il aurait des bleus légers. Et ça ne se voyait pas. Son nez cessa de saigner, il ne resta plus que quelques maigres traces. Aucun risque qu'Akihira ne remarque ça. Au pire, il penserait que ça provenait de ses précédents combats avec ce rejeton bâtard. Et puis, s'il était plus observateur et intelligent que ce que Shû pensait, alors il en déduirait que l'imbécile de Nakamura qu'il avait en face de lui avait prouvé sa faiblesse encore une fois. Et hop, un combat. Donc, tout irait bien. Quant à Shiro… A moins qu'ils ne soient fatigués, tout serait pour le mieux. C'est-à-dire pour le plus habituel possible. A la Shiro.
    Là, voilà, il s'était soigné. C'était habituel et fréquent. Presque journalier. Certains jours il n'en prenait même pas la peine. Il l'avait fait aujourd'hui, parce que saigner du nez, ce n'était pas génial et, tant qu'il y était, autant se soigner complètement.
    Mais, moralement, ça l'avait abattu. Depuis combien de temps se faisait-il avoir ? Depuis combien de temps bredouillait-il ? Depuis combien de temps restait-il frêle ? Des années, sans aucun doute. Toujours, se taisant, tremblotant. Murmurant, au plus. Craignant, dès qu'il faisait une remarque. N'osant pas en faire. Et quand il voulait jouer au brave, c'était à chaque fois les coups. Pourquoi était-il tant prédisposé à recevoir des coups ? Ce n'était pas qu'il eût préféré que ce fusse quelqu'un d'autre qui subisse cela. C'était juste qu'il en avait assez de se faire frapper. Jamais il ne répliquait. Il était désespérément faible. Contrairement à Shiro… Il était si… Si grand ! Il baignait le monde de sa blancheur, voilait les gens par son apparence joyeuse, tout en étant terriblement… Yakuza. Il savait se défendre comme jamais lui ne le pourrait pas, et ce, même avec de simples mots. Chose inaccessible à Shû. Shû ne savait même pas se défendre avec les mots. Même pas à la plus petite et la plus basse réplique. Il aimait les lettres. Mais quand il s'agissait de s'interposer, il n'était pas pensable qu'il soit de la partie. Les coups, il savait les endurer. Pas les éviter. Pas y riposter. Oraux ou physiques. Il était incroyablement, atrocement, faible. Mais Shiro, lui, était puissant ! Et il en était sûr. Il y avait un autre Shiro. Derrière toute cette mascarade, il y avait le vrai Shiro. Un Shiro ni extrêmement bon, ni extrêmement mauvais. Moqueur, mais d'une moquerie amicale. Attentionné, présent. Vif, joyeux. Mais sérieux, intelligent. Amusant, sympathique. Aimable, sincère. Voilà le portrait qu'il se faisait du vrai Shiro, entre autres. Il se le représentait plus qu'il ne se le décrivait. Oh, et puis, assez. C'était absurde de penser à Shiro, là, ainsi. Qu'avait-il, à la fin, à penser à Shiro ? Il avait parfois l'impression d'être honteux de se montrer si faible, frêle, frivole, ridicule, gamin, face à l'Ange. Pourquoi diable cette crainte ? Pourquoi cette honte ? Il n'avait pas à l'être, à la ressentir. Pas face à Shiro, enfin ! Shiro était atroce. Shiro était froid. Shiro était sarcastique. Shiro était même cynique. Peu importaient la salle de bain (ils étaient fatigués), la nuit où il l'avait sauvé (il n'avait jamais compris et ce devait être un coup de tête de sa part), puisqu'il y avait eu l'enlèvement. Et puis, quoi ! Ces regards, ces remarques, tant désagréables, dès que l'Ange apercevait l'ingénu ! Et aussi ingénu était-il, il ne devait pas rêver à un Shiro doux et gentil. Même s'il ne pensait pas à un Shiro doux et gentil, mais juste aimable et attentionné. Il ne devait même pas penser à ça. Shiro était Shiro. Et, ah ! Il y pensait encore. Et c'était terrible, ce pincement au cœur, oui, terrible, ce pincement, lorsqu'il se disait qu'il était faible et que Shiro le voyait toujours dans toute sa désespérée faiblesse.
    Shû avait marché, en pensant, et dans sa marche, il était arrivé au toit. Et Shû continua à penser.
    C'était terrible, oui. Terrible, sa faiblesse, tout simplement. Sa naïveté. Etait-il possible de l'être autant ? Etait-il le seul ? Et pourquoi, toujours lui ? Pourquoi, obligatoirement quelqu'un ? Pourquoi n'y avait-il pas personne ? Lui, faible, naïf.
    A réfléchir à toute sa faiblesse et son infériorité, sa naïveté, sa candeur, il se mit à pleurer, pleura aussi de n'être pas plus fort aux yeux de Shiro, d'être si gamin, et en général, et aux yeux de Shiro, pleura de toutes les remarques qu'il pouvait recevoir là-dessus, pleura de tant d'autres choses immondes pour un cœur aussi candide.
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Shiro Satô
Administrateur
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Shiro Satô


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Classe : Première année. Littérature et musique.
Chambre : Chambre 1
Activités/Passions : Yakuza à plein temps, c'est une activité? Voire une passion? Parce que je passe ma vie à faire ça... Même en cours, je repère des trucs...
En dehors de ça, je joue du piano, j'aime la littérature. Et Tôkyô la nuit.
Sexualité : Pour répondre à cette question il faudrait que je m'intéresse à quelqu'un. Or je ne m'intéresse à personne, sinon à moi-même. Dans la mesure où je m'intéresse à moi-même et où je suis un homme, dois-je dire que je suis gay ?

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MessageSujet: Re: « L'affection et la naïveté muette disent bien plus en disant moins. »   « L'affection et la naïveté muette disent bien plus en disant moins. » EmptyDim 19 Sep - 14:15

    Shiro en avait marre. Franchement. Pourtant, pour l’irriter profondément, l’agacer, l’énerver, il fallait faire beaucoup. Mais cela faisait des semaines qu’il passait des journées plus abominables les unes que les autres. A croire que le jeudi se concertait avec le mercredi pour savoir quand il allait rater le métro, et que lundi ricanait avec le mardi en voyant qu’il arriverait en retard en cours, et puis cet odieux vendredi qui complotait pour repousser chez son voisin, le samedi, un rendez-vous important, un jour de repos bien remplit. Il en avait marre. Il avait envie de tout foutre en l’air, d’envoyer valser tout le monde et de partir. Loin. N’importe où. Juste pour une journée. Il avait voulut. Il l’avait fait. Mais un yakuza ne va jamais nulle part sans qu’on ne le sache. Enfin, il avait pris des précautions minimes en fait. Il avait conscience de ses obligations. Il savait qu’il ne pouvait pas se permettre d’abandonner tout le monde comme cela. S’il avait vraiment voulut disparaître, personne ne l’aurait retrouvé. Mais il voulait qu’on sous-estime ses capacités. Pour qu’un jour, le jour où il voudrait lâcher ce métier et vivre sa vie, il puisse le faire. C’était plus facile de faire croire que, sur ce point, il était au même niveau que les autres. Il avait posé le pied à Kyoto. Une heure, juste une heure. Il était assis à un café, il buvait tranquillement une tasse de thé en regardant passer les geishas, perdues dans des pensées qui, faute d’être délicieuse, était bien plus agréable qu’à l’accoutumée étant donnée qu’il gouttait à une quiétude tout à fait impossible à Tôkyô. Et là, son téléphone avait sonné. Il avait tâché de faire semblant de ne pas l’entendre, ou de ne pas vouloir décrocher. Il faisait la grimace, mais ne décrochait pas. N’importe qui aurait pensé que, en tant que yakuza, il était atteint bien évidemment de paranoïa aiguë et que par conséquent, il aurait dû décrocher. C’est vrai, puisque c’était un yakuza, il devait se faire des films, du genre, tout le monde le recherche, tout le monde veut le tuer, et en fait le type qu’on a envoyé pour le protéger et le surveiller l’appel pour… mais Shiro n’était nullement atteint par ce genre de symptôme. Premièrement, personne ne serait assez fou pour tenter de le tuer, deuxièmement, si quelqu’un se trouvait être assez dingue pour s’y risquer, il n’en ressortirait pas indemne. En tout cas, pas suffisamment pour avoir envie de recommencer. Shiro avait fermé les yeux, il avait laissé le vent fouetter son visage et porter sa tasse à ses lèvres. Il avait brusquement rouvert les yeux. La personne assise à la table qui se situait à côté de la sienne lui lançait un regard insistant qui passait sur lui et subitement sur son blackberry qui vibrait furieusement sur la table. Shiro avait poussé un soupir, il avait laissé de l’argent sur la table et, presque désespéré, avait décroché son téléphone tout en se dirigeant machinalement vers la gare. C’était Shigeki. De toutes les personnes qui auraient pu l’appeler pour lui demander de revenir, c’était certainement lui qu’il avait le moins envie d’entendre. Il avait cependant répondu d’une voix très calme. Il savait que Shigeki aurait jubilé de le savoir brûlant de rage. « Shiro, où est-ce que tu es ? » Bah c’est ça continues à chercher, j’en ai rien à faire… « Mon père s’est fait agresser ! » Vraiment ? Eh ben j’espère qu’il est mort, au moins je pourrais hériter de sa fortune, de sa maison, et te plonger dans un tourment éternelle. Finalement, c’est peut-être une bonne journée… « Il va bien, mais il a besoin de toi. » Pour l’achever ? Pas de problème, dans une heure je suis au pied de son lit, et lui, il sera raide mort… « Eh, oh, Shiro ?! Je te parle, tu m’écoutes au moins ? Tu pourrais répondre ! T’es dans ton bain ou quoi ?! » La dernière phrase fit prendre conscience à Shiro qu’il n’avait pas encore adressé un mot à Shigeki. Il finit par lancer un très froid : « Y a que toi qui ai le temps de prendre des bains, Shigeki. D’ailleurs, si tu sèches encore les cours une seule fois, je te prie de croire que ton cher papa va entendre parler de toi, et que tu vas le regretter, très très longtemps… » Shiro entendit le soupir résigné de Shigeki dans son téléphone. Il afficha un sourire de profonde satisfaction. Il avait compris le message. Tant mieux. Shigeki lança un bref : « Grouille toi de revenir ! » et raccrocha. Shiro laissa tomber son portable dans sa poche et ralentit subitement l’allure. Rien ne pressait, bien au contraire, il allait rentrer à l’hôtel et prendre le temps de préparer son départ. Inutile de se presser, autant les agacer le plus possible et faire un retour flamboyant à Tôkyô, histoire que chacun sache bien qu’il passait des journées abominables et qu’il comptait à ce que cela s’arrête, quitte à faire passer des journées abominables aux autres. Il allait peut-être même en profiter pour pourrir la vie à Shigeki. Au moins, pour une fois, il avait une bonne raison de le faire. Il doutait beaucoup du fait que cela puisse le consoler. Mais en fait, il s’en foutait. Il passa une main dans sa chevelure rose et insoucieux de tout, il pénétra dans le hall de l’hôtel. Il adressa un sourire charmeur au réceptionniste en lui demandant les clés. Un léger clin d’œil et une démarche nonchalante alors qu’il gravissait les marches de l’escalier, et le tour était joué : le jeune homme le suivit dans sa chambre…
    Avec un soupir, Shiro posa les pieds à la gare de Tôkyô. Il se saisit de son téléphone, demanda un taxi sur un ton sec, sans réplique. Il était de mauvaise humeur, à présent. Il se glissa avec grâce dans la foule, se faufilant sa valise à la main, les sourcils froncés, l’air pressé et irritable. Il monta dans la limousine qui l’attendait et donna des ordres rapides, demandant à être déposé au manoir et à ce que sa valise soit ramené dans sa chambre. Et au temps pour sa fuite. Il arriva dans la chambre de Nakagawa avec un visage fermé et écouta la mission qu’on lui confiait avec un visage fermé, et exécuta la dite mission avec un visage tout aussi fermé. C’en était presque terrifiant. Il aurait voulut quitter la maison en claquant la porte, mais il se retint avec force. La mort plutôt que ce déshonneur là. Il avait quitté Kyoto le matin même, et pourtant, lorsqu’il arriva à l’université, il faisait déjà nuit. Il leva les yeux vers le ciel. Il n’avait pas envie de se retrouver à l’intérieur et enfermé, quand bien même il était fatigué et avait envie de dormir. Il ferma les yeux un instant, laissa le vent tiède de la fin de l’été lui caresser la peau. C’était une belle nuit d’été qui fuyait. Comme il voulait en profiter, il se dirigea lentement vers la porte de l’université, qu’il força finalement pour entrer. Etait-il si tard que cela ? Il se dirigea d’un pas mesuré vers l’escalier, et en un rien de temps, il était sur le toit. Il voulait encore admirer le ciel, même s’il savait qu’à Tôkyô, il était toujours sombre. Alors qu’il s’avançait, il le vit. Même de dos, il le reconnu, car il n’y avait que lui pour faire des choses aussi absurdes que de se tenir sur le bord du toit, un samedi soir à presque minuit. C’était Shû, oui. Il lui tournait le dos, mais il l’avait reconnu. Surtout parce qu’il avait l’habitude que Shû lui tourne le dos en fait. Il avait peur, où Shiro était vraiment répugnant ? Soupirant, Shiro s’avança. Il s’apprêtait à l’interpeller et lui dire de rentrer parce qu’il voulait être seul, mais il s’arrêta brusquement, là, à un mètre de lui. Parce que Shiro l’entendait. Shû savait que lui, il ne l’entendait pas, pas plus qu’il ne savait qu’il était là, pas plus qu’il ne pouvait le voir dans la nuit noir. Mais Shiro l’entendait. Il entendait Shû pleurer. Et c’était horrible. Il ferma les yeux une seconde, puis se plaça juste derrière Shû, à moins d’un mètre de lui et dit sur un ton atrocement froid et calme :

    « Si tu viens sur le toit, ne regarde pas le vide ainsi en pleurant. Saute. Car ici, personne ne te dira… “Ne pleure pas, pauvre ange…” »

    Les cinq derniers mots avaient été prononcés à demi voix, presque murmuré, et sur un ton d’une douceur infini. Parce que c’était horrible, de voir Shû pleurer. En fait, voir Shû pleurer, pour Shiro, c’était comme se voir de nouveau, lui-même, des années auparavant, lui-même pleurant, lui-même, triste et blessé, lui-même, malade de chagrin et le corps brisé. Voir Shû pleurer, c’était comme si, en observant son miroir, un beau matin, il se voyait, lui, à l’âge de dix ans. Même s’il avait cessé de pleurer. Voir Shû pleurer, c’était terrible, parce que pleurer, c’était humain. Et en renonçant à tout jamais à pleurer, Shiro avait également renoncé à toute humanité. Il avait pris l’apparence d’un ange, mais ressemblait au diable. Il faisait peut-être peur, après tout ? Shiro, le regard vaguement triste, debout derrière Shû, fixait l’horizon. Il n’y avait là que le ciel noir, sombre. Aussi sombre et profond que son âme, aussi sombre et profond que la douleur de Shû. N’y avait-il donc ici point d’amour… ?

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Shû Nakamura
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Chambre : Chambre une. (Pourquoi faut-il qu'il soit dans la même chambre que ce Diable de Shiro ?!)
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MessageSujet: Re: « L'affection et la naïveté muette disent bien plus en disant moins. »   « L'affection et la naïveté muette disent bien plus en disant moins. » EmptyDim 19 Sep - 15:06

Il eut un soubresaut, en entendant Shiro. Releva légèrement la tête, qu'il avait appuyée sur son bras, lui-même appuyé sur ses genoux ramenés vers lui. Il faisait nuit. Il ne s'en était même pas rendu compte. C'était étrange, cette douceur, dans la voix de Shiro. C'était étrange, que Shiro fusse là. Il n'était pas surpris de sa présence. Parce qu'ils se voyaient souvent dans des moments improbables. Alors, ça ne l'étonnait pas tant que ça. C'était juste qu'il n'avait rien entendu. Comme d'habitude. Shiro arrivait, silencieux. Il ne s'en rendait compte qu'au moment où l'Ange parlait.
C'était atroce, la voix de Shiro. Si froide, si calme. Et cette douceur, à la fin. Shiro, était atroce. C'était atroce, oui, qu'il surgisse, à chaque fois. Etrange, de se dire que la seule personne qui surgissait quand il découvrait ses faiblesses était Shiro. Etrange, de se dire que c'était son bourreau qui, en quelque sorte, était là pour lui. Etrange, que Shiro soit toujours là. Etrange, qu'il voie Shiro. C'est vrai. Pourquoi, Shiro, lui, pour eux, dans la même chambre ? Pourquoi se croisaient-ils ? Ils auraient pu ne jamais se voir. L'université était grande. Mais non. Ils se voyaient. Se parlaient, même. Aussi désagréables soient leurs conversations. Et, dans un sens, elles ne l'étaient pas tant. Etrange, Shiro.
L'angelot tourna son visage vers l'Ange. Il faisait nuit. Mais il étincelait, malgré la noirceur. Tout était calme.

« Shiro… »

C'était un murmure, un murmure futile. C'était Shiro, oui, et il ne l'avait pas dit comme une constatation. Il ignorait pourquoi il l'avait dit. Ou peut-être était-ce pour donner plus de réalité à ce moment. Tout semblait irréel, lorsqu'il y avait Shiro. C'étaient des moments à part de la vie. Hors du temps habituel. Ils étaient là, suspendus. Si loin, tout en étant vifs dans l'esprit. Presque rien de ces moments n'était oublié. Ou, au contraire, tout était enterré. Pour ressortir, à un moment ou un autre. Ça restait, souvenir sangsue.
Il fallait donc qu'il saute. Sauter. Se lever. Non. Rester assis. Mettre ses jambes à balancer dans le vide. Et se pencher, plonger, tête la première. Sauter. Voler, quelques secondes. Plus libre que jamais. Libre, comme jamais.

« Suis-je donc obligé de mourir, pour vivre ? »

Fallait-il réellement qu'il meure, pour être libre ? Fallait-il réellement qu'il regarde dans les yeux Akihira, pour vivre ? Qu'il dise « non » aux autres ? Qu'il se lève et qu'il regarde ? Cesser d'admirer ? Cesser, ainsi, de pleurer ? Fallait-il qu'il meure, pour enfin vivre ?
Il y pensait, parfois. Se libérer. Mais, qu'adviendrait-il alors ?
Oh, Shiro… Shiro était terrible. Shiro était ce qu'il ne serait jamais. Il ne s'imaginait pas pouvoir être Shiro. Pouvoir lever la tête et affronter, un jour. C'était au-dessus de lui, tout ça. Suffisait-il qu'il se lève pour l'atteindre ? Mais, comment faire, pour se lever ?
Comment faisaient-ils, tous ? Comment fallait-il s'y prendre pour être ? Il l'ignorait. On ne lui avait pas appris. On ne lui apprenait pas. Et sûrement cela ne s'apprenait-il pas. Ça venait, là, comme ça. Et, tout d'un coup, vous saviez. Supposait Shû. Car il ignorait tout. Tout de la vie ?
Il était enfermé, en fin de compte. Enfermé dans une bulle de verre. Elle était protection et prison. Il étoufferait, un jour. Et soit elle se briserait, soit il s'éteindrait.
Pour le moment, elle était là. Pour le moment, ses larmes terminaient de couler. Il avait cessé de pleurer en entendant Shiro, car avait cessé de penser à tout ça. Mais, comme il se sentait ridicule, face à lui !
Il regarda devant de lui, la tête légèrement baissée. Après tout, Akihira avait raison : il était faible. Ridiculement faible. Piteusement faible. Eternellement faible.
Il en fallait, non, pour que d'autres soient forts ?
Et, puisque ça leur plaisait, à ces idiots de comédiens, non, théâtreux, voilà, théâtreux ! Ils n'étaient que des théâtreux ! Théâtreux, théâtreux, théâtreux, théâtreux !
Pauvre vengeance.
Il était si minable, dans sa vengeance solitaire. « Théâtreux ». Ils étaient des théâtreux. De mauvais comédiens, incapables de critiquer une pièce. Cela faisait d'eux des théâtreux. Voilà. Des théâtreux.
Pauvre, pauvre, pauvre, Shû. Il était si minable. Il se savait si minable. Et Shiro, derrière lui. C'était comme si tout était à lui, n'importe où. Qu'il recouvrait tout et que tout lui appartenait. Son Empire était l'univers. Les autres, que nenni.
Assez. Il en avait assez, de penser à Shiro. C'était comme s'il en faisait l'éloge. Pourquoi faire l'éloge de Shiro ? Qui ferait l'éloge d'un yakuza ? Qui était assez fou pour faire l'éloge d'un yakuza ? Lui ? Ce ne pouvait pas être lui. Pourquoi ferait-il l'éloge de Shiro ? Pourquoi Shiro ? Pourquoi pensai-il encore à Shiro ? Quelle était cette manie qui revenait toujours à ce bourreau ? Pourquoi, Shiro, encore et encore ? Pourquoi fallait-il qu'ils se croisent ? Pourquoi lui parlait-il ? Pourquoi avait-il dit quelque chose ? Pourquoi ne s'était-il pas tut ? Après tout. S'il ne voulait pas le voir, s'il ne l'aimait pas, il lui suffisait de ne pas lui parler. Mais il avait toujours répondu. Pourquoi, diable ? Pourquoi, Shiro, Ange ? Diable. Diable Shiro. Ça sonnait bien mieux. Pourquoi quelque chose lui disait que si ça sonnait mieux, ça ne collait pas ? Pourquoi persistait-il à croire en un autre vrai Shiro ?
Il voulait ne plus penser à Shiro. Mais quoique le yakuza faisait, Shû y revenait. Il fut terrible. Il y pensa. Il fut sympathique. Il y pensa. Il fut indifférent. Il y pensa. Il fut ignoble. Il y pensa. Penser. Shiro. Toujours. Pourquoi ?
C'était atroce, il ne voulait plus. Shiro, aide-moi à t'oublier, tu veux bien ? J'ai peur.
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Shiro Satô
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Classe : Première année. Littérature et musique.
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Activités/Passions : Yakuza à plein temps, c'est une activité? Voire une passion? Parce que je passe ma vie à faire ça... Même en cours, je repère des trucs...
En dehors de ça, je joue du piano, j'aime la littérature. Et Tôkyô la nuit.
Sexualité : Pour répondre à cette question il faudrait que je m'intéresse à quelqu'un. Or je ne m'intéresse à personne, sinon à moi-même. Dans la mesure où je m'intéresse à moi-même et où je suis un homme, dois-je dire que je suis gay ?

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MessageSujet: Re: « L'affection et la naïveté muette disent bien plus en disant moins. »   « L'affection et la naïveté muette disent bien plus en disant moins. » EmptyMer 22 Sep - 20:54

    Shiro tentait de respirer calmement et de ne pas penser. Il ne fallait surtout, surtout, surtout pas qu’il pense. Il ne fallait pas qu’il pense que Shû lui ressemblait, à lui, plus jeune. D’ailleurs, enfin, ce n’était pas vrai ! D’abord, quand il était petit, il n’avait jamais été blond. Et puis, en plus, il ne semblait pas avoir été frappé, Shû, aujourd’hui. Hrm, non, ça, c’était une fausse excuse. Il savait très bien qu’il avait été frappé. Et il savait très bien qu’il n’avait pas été menacé et frappé par Akihira. Si cela avait été lui, il n’aurait pas été en train de pleurer, là, sur le toit. Shû ne se donnait probablement plus la peine de pleurer pour Akihira. C’eût été tellement bas, et ça lui aurait fait tellement plaisir. Non. Shiro ne pensait pas que Shû pleurait encore pour Akihira. Ou du moins, il espérait que, même seul, Shû ne se laissait pas aller à pleurer à cause de lui. Il savait. C’eût été tellement plaisant. Il savait que non, non, il ne fallait pas. Il espérait que Shû n’était ni si faible, ni si stupide. Pleurer pour les autres, il avait le droit, pleurer pour Akihira, non, jamais ! Il ne fallait pas qu’il pense. Il ne fallait pas qu’il pense. C’était un mélange d’étrange émotion, de dépit, de dégoût, et un élan d’affection qui tourbillonnait dans sa tête. Il se voyait. Le visage de Shû… Les traits de Shû disparaissaient pour laisser place aux siens, des années auparavant. Il ne voyait plus Shû, il voyait Shiro. Et quand il voyait Shiro, ce Shiro là, il avait envie de le prendre dans ses bras, parce que c’était injuste, qu’un enfant soit si triste. Seulement, son visage se transformait, son visage était bien différent de celui de Shû. Lui, il n’y avait pas de larmes, pas une seule, sur son visage. Il n’y avait sur sa peau d’un blanc nacrée que du sang séchée. Cette odeur revenait aux narines de Shiro. Il connaissait l’odeur du sang, du sang séché. Mais là, c’était différent. C’était le sang d’un enfant, son sang à lui, des années auparavant. Il avait une odeur atrocement malsaine pour celui qu’il était devenu, maintenant. Parce que ce sang qui coulait dans ses veines alors qu’il n’avait encore que dix ans… C’était un sang défait de toutes les souillures qui pouvaient le remplir à présent. Il n’y avait là que le blanc, le blanc infini de la candeur, de l’innocence. Mais c’était aussi le blanc de la tristesse, du chagrin. Il se voyait, il aurait presque voulut pleurer de se revoir enfant, de se revoir comme ça, de se revoir remplit de souffrance. Cette souffrance avait toujours existé, et elle existait toujours. Seulement, il avait si bien su la faire oublier que plus personne ne la voyait. Pourtant, il y avait dans ses yeux, alors qu’il n’était qu’un enfant, il y avait toute cette souffrance, dans ses yeux. Et puis, quand il avait grandit, on avait oublié. On oublie facilement que les gens souffrent, quand ils font souffrir. Alors il ne restait plus qu’une vague flamme de douleur dans les beaux yeux caramel du jeune homme, et plus personne ne s’en souciait. Shiro se laissa tomber à côté de Shû. Il ferma les yeux un instant avant de dire :

    « Tu peux peut-être trouver quelqu’un qui sache t’apprendre à vivre comme jamais. Quelqu’un que tu aimes. »

    Shiro fixait le ciel comme s’il s’attendait que le jour se lève à chaque instant, alors qu’il était minuit passé à présent. Il donnait ce conseil à Shû, parce que c’était ce qu’il avait fait, lui, c’était ce qu’il avait cherché. Une personne aimante qui aurait pu le sortir de tout cela. Mais il n’en avait pas trouvé. Alors il s’en était sorti tout seul, et à présent, les gens ignoraient. Ils ignoraient sa souffrance, ses douleurs passées, ils ignoraient tout. Shiro avait tout lâché. Il avait laissé tomber. Personne ne voudrait le voir tel qu’il était, à présent. Et puis, il n’était plus le même. Tant pis pour lui, tant pis pour les autres. Tout le monde avait raté sa chance. C’était triste, n’est-ce pas ? Shiro ne s’en souciait plus. Il ne savait plus ce qui était triste. D’ailleurs, à cet instant, il savait simplement qu’il ne fallait pas qu’il pense à Shû, il ne fallait pas qu’il regarde Shû. Quand il regardait Shû, il avait envie de le prendre dans ses bras, comme pour le consoler. Mais il ne le ferait pas. Parce qu’il savait. Il détestait Shû. Il détestait l’entendre geindre, il détestait sa façon d’ignorer ses problèmes plutôt que de vouloir les résoudre, il détestait la façon dont il se complaisait dans sa tristesse, dans sa douleur, et tout cela en prétendant qu’il était trop faible pour se battre. Mais avec de la volonté, on n’est jamais trop faible pour se battre. Et quand il songeait à cela, Shiro ne songeait pas à une bataille au sens propre, il ne songeait pas à ce que Shû se dresse véritablement, physiquement contre Akihira. Mais qu’il fasse quelque chose, par la très grande force de sa pensée. Qu’il lève les yeux, qu’il se mette à mépriser son monde, et que son frère en soi anéantit. Voilà. Shiro détestait Shû pour cela. Parce que Shû n’était pas naïf, mais il faisait croire qu’il l’était. D’ailleurs, il croyait lui-même l’être. Pourtant, il avait conscience de beaucoup de choses. De tout, même, pour ainsi dire. C’était si facile, de se complaire là-dedans. Shiro détestait cela. Et il luttait, pour ne pas songer à lui, consolant Shû. Il fallait effacer de son esprit cette étrange idée de rébellion ? Non… Il préférait s’en souvenir. Pour savoir combien son esprit pouvait se montrer pervers, malgré lui, parfois. De son regard caramel, il fixa longtemps Shû.
    Un jour, j’ai fait le rêve d’un ange qui tombait sur la Terre. Il m’a dit… “Vient toucher le ciel avec moi…”

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Shû Nakamura
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MessageSujet: Re: « L'affection et la naïveté muette disent bien plus en disant moins. »   « L'affection et la naïveté muette disent bien plus en disant moins. » EmptySam 9 Oct - 18:51

Les larmes ne brûlaient pas. Il ne savait pas pourquoi, partout, ils écrivaient ou disaient que les larmes brûlaient. « Des larmes brûlantes coulaient sur ses joues. » C'était ce qu'ils écrivaient, disaient, tous. Mais les larmes ne brûlaient pas. Il les sentait froides. Glissant le long de ses joues avec difficulté, comme au passage se glaçant. Hésitant à tomber. Pour finalement se décrocher, tomber, s'écraser, mourir. Les larmes ne meurent pas le long des joues. Elles meurent après. Il ne sentait aucune chaleur. Le froid, si. Mais pas de chaleur. Des larmes froides qui coulaient de nouveau le long de ses joues, sans qu'il ait pu les contrôler, la fraîcheur du soir et des souffles froids. Il n'avait rien de chaud, ici. La nuit était noire et le noir est glacial. Le blanc aussi.
Il ne savait pas se lever. Il ne savait pas avancer. Il ne savait le faire que sur une scène. Juste sur un plateau. Les gens s'étonnaient de voir la différence entre Shû comédien et Shû hors du théâtre. Sur un plateau, il était différent. Shû jouait sur un plateau. Mais il ne prenait pas la vie comme un gigantesque plateau. Ni même un minuscule. La vie, c'était autre chose. Le plateau, c'était quelque chose. S'en allant monter les marches de la scène, il se hissait et faisait face au public. Il levait haut les yeux, là, dans la rangée du milieu. Regardant le plus loin qu'il pouvait. Et il se taisait. Il se taisait et écoutait ce silence. Puis, lorsqu'il se sentait prêt, des mots s'échappaient. Mais sans annihiler le silence. Il fallait garder le silence. Il faut « laisser entendre le silence dans le bruit de la parole ». « Transporter le silence pendant qu'on parle . » Et c'était cela ce qu'il faisait sur un plateau. Il se postait là face à ce public et se taisait, attendant que le silence agisse en lui. Il prenait son temps, ne se mettait à parler qu'en ayant conscience de cette couche de silence à traverser avant de faire le moindre bruit. Qu'une fois qu'il était sûr de pouvoir transporter le silence dans ses paroles. Au théâtre, Shû savait le faire. Dans la vie, il ne savait pas. Et d'un côté, c'était peut-être ça, qui faisait qu'il était bon comédien.
Pour trouver le silence, il ferma les yeux. Et rien ne lui plaisait plus que ce silence. Il les rouvrit. A quoi bon pleurait-il ? Cela n'avait aucune utilité pour Akihira, c'eût été trop d'honneur pour lui. Mais pour les autres aussi. Or, c'était pour ces autres qu'il pleurait, en partie. Et il ne devait pas s'éterniser sur eux. Les mettre de côté, les oublier, les laisser là, errants. Non. Il ne se confrontait jamais à ses problèmes. Il ne voulait pas prendre le temps d'y réfléchir. C'était quelque chose de pénible sur quoi il ne désirait pas s'attarder. Alors il n'y pensait pas. Il ne se complaisait pas dans cette tristesse morne. Il l'ignorait tout en avançant à chaque seconde dedans. Il regardait au-delà de cette bulle vaporeuse, faisait comme si elle n'existait pas pour n'avoir pas à y penser. C'était en quelque sorte de la lâcheté, oui. Mais sa faiblesse, à ce niveau, était réelle. Il n'avait jamais su regarder le ciel comme il fallait. Il avait toujours espéré l'apercevoir, mais il ne savait pas le voir. Il ne savait que mettre maladroitement un pied devant l'autre dans une épaisse masse nuageuse, où il ne voyait pas correctement à plus de trois mètres. Lorsqu'il allait sur scène, les nuages s'évaporaient. Reproduire ce qu'il faisait en jeu dans la vie ne lui était pas possible. Il ne voyait pas comment adapter le théâtre à la vie. Alors il se contentait de vivre au théâtre. Et pour s'échapper de temps en temps à ses nuages, il prenait son carnet bleu clair et y écrivait. Les nuages partaient quelques temps, revenant dès qu'il le refermait. Et puisque lui-même ne voyait pas ces nuages, ils n'étaient pas non plus visibles par les autres.
Se souvenant de la présence de Shiro lorsque celui-ci se laissa tomber à ses côtés, il se rendit compte qu'il avait presque oublié sa présence, tout en la sentant perpétuellement. Il releva sa tête vers la voûte céleste lorsque le musicien parla. Il n'avait jamais su regarder le ciel, il n'y parvenait pas encore.
Trouver quelqu'un ? Mais il n'y avait personne. Qui aurait la volonté de lui apprendre à vivre, vraiment ? Qui voudrait le lui apprendre, pour lui, non par pitié ou générosité ? Personne ne le voudrait, personne ne le voulait. Non, il n'y avait personne et il ne voyait pas pourquoi il y aurait quelqu'un. D'ailleurs, il n'aurait pas compris s'il y avait quelqu'un, puisqu'il n'y avait jamais eu quelqu'un. D'avant à maintenant, il y avait toujours eu personne. Il avait eu des amis, de vrais amis sincères comme de véritables amis avec qui on s'entend véritablement bien. Mais même encore il se sentait loin d'eux. Oui, il s'était senti loin d'eux, il avait toujours l'impression d'être loin d'eux, terriblement loin d'eux, alors cela le rendait triste, il voulait être avec eux, s'amuser, rire, sourire, échanger avec eux, mais il ne le pouvait pas, il se sentait loin d'eux, pas comme rejeté, non, mais loin d'eux, et ça l'attristait, et il avait mal au cœur et il pleurait, quelques fois. Alors, il ne pouvait même pas dire qu'il y avait eu jamais quelqu'un puisqu'il se sentait loin de ces quelqu'un, donc il n'y avait personne et peut-être même n'y aurait-il personne pour toujours. Et qu'importait ? Il ne voulait pas voir ça, parce que ça lui faisait trop mal. Ces amis véritables d'alors, il les avait aimés, mais il se sentait si loin d'eux qu'il en eu terriblement mal, alors il s'efforçait de ne pas y penser pour rire et sourire et éviter de se sentir loin d'eux, et c'était comme ça que tout avait commencé, que cette habitude à ne pas réfléchir avait commencé. Et ce n'était pas aujourd'hui qu'il y avait quelqu'un, non. Il s'entendait bien avec tout le monde mais il n'y avait personne avec qui il s'entende particulièrement bien. Il n'y avait personne de sa famille qui puisse l'aider puisque personne ne le voulait. Alors il n'y avait qu'un ami pour lui apprendre à vivre comme jamais, comme le disait Shiro. Sauf qu'il n'y avait pas d'ami non plus. Ni d'amie. Non, pas même au singulier. Il y avait Akihira, il y avait Shiro, mais... Mais personne d'autre. C'était terrible à dire. Mais les deux seules personnes qu'il côtoyait le plus étaient Akihira et Shiro. Akihira, qui sans cesse le frappait. Shiro, qui en permanence le tourmentait. Avaient-ils eu, eux aussi, à trouver cette personne ? Tout le monde devait-il la trouver ? Et si on ne la trouvait, qu'advenait-il alors ?
(Et, lui-même, qui aimait-il ?)
Refoulant une autre envie de pleurer, il releva la tête en se tournant vers Shiro.

« Et si on ne la trouve pas, Shiro ? Et faut-il que nous la trouvions tous ? Tu l'as trouvée, toi, Shiro ? »

Akihira... Peut-être était-ce lui-même qui avait aidé Akihira. Aidé. Mais aidé en quoi ? A savoir se battre ? A aimer le pouvoir ? La puissance ? La supériorité ? Parlez-donc. S'il l'avait aidé, ce n'était pas en bien. Mais, Akihira... Akihira, avoir eu besoin d'aide ? Il en doutait. Il n'avait été qu'un pion pour ce demi-frère, n'était encore qu'un pion. Ou un vulgaire jouet, plutôt. Akihira, dès son enfance, savait être puissant. Sinon, comment ? Comment assouvir son autorité sur un gosse de quatre ans alors qu'on n'a quelques années de plus que lui seulement ? Non, il n'avait pas aidé Akihira. Akihira n'avait eu besoin de personne, parce qu'Akihira avait ses parents. Et ses parents étaient là, sans cesse, pour lui. Et Shiro, alors ? Avait-il eu besoin d'aide ? Il ne pouvait pas le dire, il ne pouvait rien dire. Le Shiro de l'enfance, il ne le connaissait pas, ne le connaîtrait probablement jamais. Il savait juste ce qu'il était maintenant. Mais, pourtant, il se demandait, si derrière toutes ces couches d'illusions, tous ces masques, ne se cachait pas un autre Shiro. Mais un véritable autre Shiro. Plusieurs fois, le comportement de Shiro le lui avait laissé croire. Et ces quelques fois avaient suffi à le lui faire croire. C'était peut-être absurde, mais il voulait y croire, sans trop savoir pourquoi.
Et, tout à coup, il se sentit ridicule. Ridicule de pleurer aux côtés de Shiro, l'Ange salvateur. Si terriblement noir. Malgré tout, cette noirceur ne le dérangeait pas, ne le dérangeait plus. Comme si... Comme si il avait fini par l'apprécier. Et c'était, oui, c'était ô combien horrible d'y penser. Mais, après tout. Shiro n'était pas un monstre, il le savait depuis le départ, ne l'avait jamais pensé. Alors, pourquoi pas ? Mais quel ridicule, tout de même. Lui, pleurant, près du yakuza, dans la nuit. Une nuit noire, Tôkyô était si pollué, aucune étoile n'y scintillait. Seules les lumières artificielles hissaient un halo auprès de la voûte céleste, laissant deviner l'approche d'une ville. Si petit, il était si petit, lui, pauvre Shû. Il ne voyait pas comment, un jour, il parviendrait à se hisser. Comment pouvait-il ? Il était bien trop bas. Ce n'était même pas de sa faiblesse dont il était question, après tout. C'était de son étouffement. Il ne faisait que suffoquer, depuis toujours. Suffoquer de lui-même. Suffoquer d'être lui-même. Se faire le plus petit possible, pour ne pas être vu afin de ne pas se voir. Tant et tant réprimandé, il avait fini par se rejeter. Et afin de vivre malgré tout, il s'était concentré sur l'ignorance, pour ne rien savoir d'autre que rien, pour continuer à avancer, doucement, très doucement, avec cette lenteur caractéristique qu'ont les limaces ou les escargots, oui, avancer d'une façon extrêmement lente, pour pouvoir s'émerveiller, s'émerveiller faussement, mais rester, surtout, oui, surtout, par pitié, rester dans cette ignorance, le réel était tant terrible, tant atroce, tant hideux, qu'il ne voulait surtout pas le voir. L'ignorance. C'était son refuge, mais ce refuge finirait par le perdre et, le pire, c'était qu'il le savait. Mais que faire, autrement ? Tout ce réel l'angoissait. Tout ce réel l'effrayait. Le terrorisait. C'était ça, au-delà de sa faiblesse. La peur. La peur de voir. Être aveugle ne l'eût pas dérangé, il aurait pu prétendre à l'ignorance. Mais il avait dix-neuf ans et ses yeux voyaient. Et prétendre à cette ignorance n'était pas possible. Ni celle-ci, ni l'ignorance naïve. Alors, il avait décidé d'être l'enfant naïf pour y prétendre. De rester cet enfant naïf pour y prétendre. Et ça avait fonctionné. Il avait réussi. On lui avait accordé le droit de rester dans l'ignorance. Il pouvait y progresser à volonté, s'y réfugier, lâchement. Il n'était pas le courageux. Il le savait. Il le savait éperdument. Mais la vérité qu'il avait acquise enfant l'avait tellement terrorisé qu'il n'avait plus voulu jamais, non, plus jamais, voulu la voir. A six ans, il s'était dit, déjà, qu'il en avait assez. Et il avait fermé les yeux. Et alors, ça avait été d'un tel délice, qu'il eût voulu toujours les fermer. Mais c'était impossible. Il aurait pu se tuer, certes. Mais il ne voulait pas non plus mourir. Ce qu'il voulait, c'était ne pas voir la vérité. Juste ça. Il voulait quand même vivre, pour, paradoxalement, voir ce qu'il allait advenir, de ce vivre-ci. A six ans, donc, il avait cherché comment faire pour ne plus voir, et avoir mal n'était pas de son goût. Mais il voulut quand même se crever les yeux, ça lui paraissait la seule solution. Seulement, madame Nakamura était arrivée, elle en avait été si horrifiée qu'on lui avait interdit de toucher à une paire de ciseaux ou tout objet tranchant, et seul Akihira l'avait pu. Ils ne lui avaient jamais demandé pourquoi il avait voulu faire ça. Elle avait juste hurlé. Monsieur Nakamura était arrivé. Et il s'était fait gronder. Oh, oui, il avait attrapé, ce jour-là, beaucoup ! Petit, il ne savait pas qu'il était possible de ne pas voir en gardant ses yeux voir. Mais, au fil du temps, à force de chercher, parce que c'était sa quête depuis toujours, ne plus voir, il avait fini par comprendre, par trouver. Alors, à dix ans, il avait cessé de grandir. Et s'était efforcé d'être le gamin de six ans qu'il avait été. Et depuis ce jour, il était ce gamin de six ans, qui ne voulait pas voir, parce qu'avant, il avait trop entendu. Il se rappelait les visages dégoûtés de madame Nakamura les jours de son anniversaire, si dégoûtée qu'elle était qu'il grandisse, ce fils d'ailleurs. Les sourires crispés de monsieur Nakamura. La haine flamboyante dans les yeux d'Akihira. Il n'y avait jamais vu que ça. Toujours, dans ses yeux, cette même haine. Comme lui-même avait préservé l'ignorance, Akihira avait préservé la haine. Il se rappelait toutes ces paroles, désagréables, à son encontre. Ils faisaient semblant de l'avoir accepté. Madame Nakamura, surtout. Mais ni elle ni lui ne l'avaient jamais accepté. Et ils avaient fini par ne plus se donner cette peine lorsqu'à cinq ans, il leur avait bredouillé « Vous ne m'aimez pas ». Et c'était vrai. Ils ne l'aimaient pas. D'ailleurs, lors de réceptions, il était cloîtré dans sa chambre pendant qu'Akihira se pavanait en bas. Les Nakamura le traitaient avec tant de distance lorsqu'il était petit qu'il avait compris, de son ridicule âge, la répulsion qu'ils avaient à son égard. C'était tout cela qui avait fait qu'il ne voulait plus voir. Il en pleurait tant, petit. Il ne comprenait pas tout. Faisait-il tant de bêtises que cela ? Les professeurs lui disaient pourtant des mots gentils. Quoique. Certains, sachant sa provenance, étaient eux aussi froids. Tout cela n'avait été qu'un patchwork de faux-amour, d'illusions, de sourires, d'hypocrisie, de répulsion, de gêne, de dégoût. Un patchwork mal fait, tant, que l'enfant même l'avait percé quelque peu, du moins. Ce quelque peu qui avait suffi à lui faire désirer cette ignorance éternelle. Dans laquelle, à présent, il s'enfonçait un peu plus, pour peut-être y sombrer. Sauf s'il l'arrachait. Et elle lui était tant collée à lui, cousue sur sa peau, que pour l'arracher, il faudrait être deux, au moins. Mais il n'y avait personne. Il n'avait jamais eu d'Ange à ses côtés, il ne pensait pas qu'un Ange puisse être là, tapi dans l'ombre.
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Shiro Satô
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Sexualité : Pour répondre à cette question il faudrait que je m'intéresse à quelqu'un. Or je ne m'intéresse à personne, sinon à moi-même. Dans la mesure où je m'intéresse à moi-même et où je suis un homme, dois-je dire que je suis gay ?

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MessageSujet: Re: « L'affection et la naïveté muette disent bien plus en disant moins. »   « L'affection et la naïveté muette disent bien plus en disant moins. » EmptyJeu 11 Nov - 18:09

    Shiro fixait doucement Shû et il souriait. Shû était mignon, là, en ce moment. Alors qu’il vivait dans une innocence soudain exaspérée, désespérée, il était mignon. C’était paradoxal. C’était étrange et inexplicable, mais c’était ainsi. Alors Shiro lui souriait. On disait que les larmes apportaient la tristesse, la douleur, et enfin la folie. Mais pour les gens qui vivaient constamment dans la candeur, peut-être apportaient-elles autre chose. Non, en fait, Shiro était convaincu qu’à ces gens-là, à ces instants-là, les larmes apportaient autre chose.
    De la froidure, c’était ce que les larmes apportaient à ces gens-là, et c’était ce qu’elles apportaient à Shû, en cet instant. La froideur de la lucidité, de la réalité frappante. Shû venait de sortir de ce monde dans lequel il s’enfermait lui-même. Ses larmes l’avaient brusquement propulsé dans la vie, la vraie vie, la vie douloureuse, la vie insupportable, celle qui fait mal quand on la regarde. Celle qui est injuste. Et c’était douloureux, bien au-delà de l’entendement. Parce que la vie se tenait là, debout, juste devant. Elle voyait les larmes couler sur ce visage pur. Son regard se plissait avec méchanceté, et un vilain sourire s’accrochait à ses lèvres, un sourire moqueur, narquois et désagréable. C’était l’injustice de la vie qui était là, là, tout à côté. Elle regardait avec plaisir ce petit être se tordre tant de douleur que de chagrin, et elle riait. Elle riait du désespoir, de la peur, des larmes, de l’horreur, de la terreur, du dépit, de l’effroi, des désillusions et du malheur. Pauvre petit être, donc. Il était malheureux ? C’était injuste, n’est-ce pas ? Mais pourtant, c’était vrai. Voilà ce à quoi était probablement confronté Shû, si jamais il fermait les yeux, si jamais il cherchait à comprendre. Il était confronté à la réalité. Et cette réalité, Shiro, lui, la voyait, depuis des années. Depuis qu’il s’était retrouvé un mois, seul et livré à lui-même, dans Tôkyô. Il y avait ceux qui fermaient les yeux pour ne plus voir la vie telle qu’elle était. Ils s’enfermaient dans un monde où ils pensaient pouvoir être heureux, jusqu’au jour où toutes leurs illusions volaient en éclat. Et puis il y avait ceux qui faisaient comme Shiro. Shiro avait ouvert grand les yeux. Il s’était jeté corps et âme dans les Enfers. Il s’était damné avec application. Il avait vu l’horreur. Il avait aimé l’horreur. Il avait perpétué l’horreur. Il en avait été fier. Il ne se sentait pas honteux de ce qu’il avait fait. Ni même triste. Le sentiment de fierté lui était passé également. Ce qu’il faisait, il le faisait, tout simplement. Il s’était plongé dans une profonde indifférence. Il avait plongé dans le Léthé, il avait oublié sa vie de jeune garçon innocent, doux et vertueux. Il avait tout oublié. Il ne restait plus que son nom. Il aurait pourtant pu en prendre un autre. Pour que celui qui avait oublié se fasse oublié. Mais non. Il voulait montrer, à ceux qui l’avaient ignorés, ceux qui avaient eu l’audace de l’ignorer, qu’il était bel et bien là. Alors, il avait gardé son nom. Et son nom était entré dans la légende. On connaissait, Shiro Satô. On craignait, Shiro Satô. Et on le respectait. Il avait oublié son ancienne vie. Mais les gens qui le respectaient à présent, respectaient aussi celui qu’il avait été, celui qu’il n’était plus, celui qui n’avait jamais été respecté, mais celui qui maintenant, l’était. Un nom, ce n’était rien de moins que cela. Et c’était son nom. Il s’oubliait, mais refusait qu’on l’oublie. Personne ne comprenait, en fait, personne, même, ne savait. Mais Shiro, lui voyait. Il était respecté, il était même aimé. Il ne regrettait pas, il ne regrettait rien. On ne regrette pas l’oubli. Son oubli était peut-être triste, pour les gens qui en avait connaissance, mais pas pour lui. Plus personne, aucune personne qu’il n’avait connu avant l’oubli s’intéressait encore à lui, savait encore qui il était, ou savait encore qu’il existait. Il aimait son oubli. Son oubli était salvateur. Mais il ne conseillait ce remède à personne. Il ne pouvait pas dire que pour lui, ç’avait été douloureux. Mais Shiro était Shiro. Quoi qu’on en dise. Quoi qu’il ait pu être. Il n’avait jamais été aussi innocent que Shû l’avait été, que Shû l’était, l’était faussement, peut-être, mais l’était tout de même. Alors non, définitivement, non. Il ne pouvait pas conseiller ce remède à Shû.
    Shiro se releva, il attrapa Shû par le poignet et fixa le jeune homme, plantant son regard caramel dans le regard plus sombre de Shû, Shû qui voulait pourtant éviter de le regarder. Il eut un léger sourire. Un mélange terrible de compassion, de pitié, de colère ou de mépris. Ses yeux, eux, restaient comme toujours totalement insondables. Il avait lâché Shû, il se tenait à quelques pas de lui, et il le regarda fixement et sans rien dire pendant un moment, son étrange sourire aux lèvres, différent de celui qu’il arborait d’habitude, mais sans qu’on puisse dire s’il était agréable ou non. Il finit par dire, d’une voix de regret froid et plat :

    « La vérité, Shû, c’est qu’on n’a besoin de personne. »

    Shiro plissa légèrement ses beaux yeux, réfléchissant brusquement à ce que Shû lui avait dit. Avait-il trouvé cette personne ? Non. Il ne l’avait pas trouvé. Il ne voulait pas la trouver, cette personne. La vérité, c’était qu’il était solitaire, profondément solitaire. Il n’y avait que lui pour se comprendre, lui pour se voir, lui pour se croire. Il n’y avait que lui, lui, et lui. Il n’existait rien d’autre que lui, personne d’autre que lui. A ses yeux, il n’y avait que lui. En vérité, c’était une piètre vengeance. On l’avait trop ignoré, et puisqu’il refusait de l’être encore, alors, il avait décider de créer un monde, un monde où il serait roi, quand bien même sa couronne serait faite de joyaux volés, quand bien cela signifiait qu’il devait régner aux Enfers. C’était ainsi. Au moins, il régnait. Oh, c’était tellement surfait ! Mais c’était son monde, c’était sa vie. C’était ce qu’il faisait. Son regard restait fixé sur celui de Shû, mais ses yeux n’étaient plus plissés et son sourire avait quitté son visage, comme s’il s’était soudainement renfermé sur lui-même. Il sortit subitement de sa rêverie, s’arrachant presque violemment à lui-même et son sourire revint sur ses lèvres comme s’il ne les avaient jamais quitté.

    « Soit le jeune homme que tu veux être, Shû. Et ne laisse personne décider à ta place. »

    Shiro, lui, prenait des décisions, depuis des années. Il prenait des décisions pour lui, il prenait des décisions pour les autres. Il prenait d’ailleurs plus de décisions pour les autres que pour lui-même. Mais, il régnait sur un Royaume, après tout. Mais peu importait les gens pour lesquelles il décidait. Il était le seul à décider pour lui-même, et c’était là tout ce qui comptait. Shû, lui, avait laissé les autres décidé à sa place. Surtout Akihira. Dans l’endroit où Shû vivait, il y avait un tyran qui régnait, injustement, et Shû lui obéissait, aveuglément. Et sans raisons. Et ce n’était pas ce qu’il aurait dû faire. Il aurait dû cesser d’obéir depuis longtemps. Fuir. N’importe où. Ailleurs. Mais il était resté. Alors maintenant, et puisqu’il était encore là, il n’avait plus qu’une chose à faire. Se rebeller. Montrer à quel point il était furieux. Montrer à quel point il haïssait la vie qu’il menait. Ou plutôt, la vie qu’on lui faisait mener. Il n’était pas un enfant. Il était un jeune homme, comme l’avait très justement précisé Shiro. Et Shû tendait bien trop à l’oublier. On le lui avait fait oublié. Il était brimé, et l’avait été silencieusement pendant si longtemps qu’il avait oublié qui il était véritablement. Il était un jeune homme, à présent. Il n’était plus un enfant. Il n’était plus inconscient. Il n’était plus innocent. Pire, il n’était plus insouciant. Il devait le dire, l’écrire, le lire, le crier s’il le fallait. Il fallait qu’il en ait conscience, qu’il en soit fier. Pour l’instant, il n’était rien de toute cela. Il avançait les yeux fermés. Alors Shiro disait la vérité. Peut-être allait-il ouvrir les yeux, à présent, peut-être allait-il penser lui-même. Et marcher. Avancer. Shiro pencha la tête sur le côté et réfléchissant. Que pourrait bien penser Shû, après ? Il eut un sourire, entre sourire amical et le sourire mesquin, un mélange étrange et qui faisait presque peur. Il était sûr que si Shû se mettait à penser de nouvelles choses, il en serait informé. Quoi qu’on en dise, Shiro connaissait Shû. Peut-être plus que n’importe qui. Sans se détacher de ce sourire, de ce presque mauvais sourire, Shiro repoussa une mèche blonde qui cachait le regard sombre de Shû. Puis, lentement, Shiro recula. Il avait enlevé sa veste. D’une main, il la tint sur son épaule, et il tourna les talons, de sa démarche gracieuse, sa veste volant derrière lui, drôle d’ange dans la nuit. Shakespeare disait « Nous sommes fait de la même étoffe que les songes ». Alors dit-moi, Ange, à quoi peux-tu bien rêver ? Toi, Shiro, qui est la froidure du mystère ?

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