Nouvelle rencontre [Annabelle]

Terrible. Terrible journée. Terribles journées. Toutes, terribles. Akihira, Shiro… Il ne s'en sortirait jamais. Il en y aurait toujours un pour gâcher une journée. Pour la rendre désastreuse. Qu'avait-il fait pour ça ? C'était à cause de son sourire, de sa naïveté, de son innocence ? Il ne le faisait justement pas exprès. Et ça les énervait d'autant plus, chacun. Ne pas les mettre dans le même sac, différents tous les deux ? Pas tant que ça. Oui, aujourd'hui, Shû en avait marre. Il avait eu le droit aux reproches d'Akihira au petit-déjeuner. Aux sarcasmes de Shiro tout à l'heure. Alors, tout petit ange qu'il était, il décida d'aller ailleurs, à un endroit tranquille, où il serait bien. Pourquoi ne pas aller voir des amis ? Parce que Shû n'en avait pas. Oh, pardon, si, plein. Tous là avec lui quand il fallait rire, rire lorsqu'ils le voulaient. Tous là quand ils avaient un problème. Mais pas l'inverse. Il n'était pas si stupide, il le savait très bien. Et être seul, de toute façon, ne le dérangeait pas. Et après tout, il l'avait toujours été. Alors, l'angelot s'en alla de la masse des étudiants, monta les étages et parvint jusqu'au toit. Là, il s'assit, les mains derrière lui. Les élèves en bas grouillaient. Lui était seul et tranquille du haut du bâtiment. C'était la fin de journée. Le ciel était bleu, avec un peu de couleurs grises, des bleus plus foncés, prémices du soleil qui se couchera. Il esquissa un sourire. Oui, là, seul, tranquille. Sans trop savoir pourquoi, des larmes tombèrent de ses yeux. La fatigue ? Peut-être. Il ne serait jamais heureux dans cette université. Jamais totalement. Mais il y avait pire. Ces élèves tués. Leur famille, leurs amis… Leur peine devait être incroyablement importante. Alors, il n'était rien. Il n'était jamais rien. Voyez. Mais cela ne l'embêtait pas.
Il essuya les larmes qui coulaient sur ses joues et s'étendit sur le bitume. Il regarda le ciel, sourit. Là, calme.
Il passa ainsi une vingtaine de minutes. Au terme desquelles il avait retrouvé son sourire d'entier bonheur. Le ciel lui faisait du bien. Les oiseaux aussi. La nature. Elle lui rappelait les bonnes choses du monde. Les quelques bons souvenirs, s'il y avait. Et il souriait, s'emplissait de bonheur, était prêt à repartir, heureux et plein de vie. Et personne ne se doutait de rien, d'ailleurs, personne ne pouvait, personne ne le voyait triste. Shû était heureux. Il avait commencé ainsi : à sourire, tout le temps. A force, il montrait son sourire à tous et perpétuellement. Il y avait bien plus grave que de pauvres tristesses enfantines. Ce pourquoi, être heureux était devenu une sorte d'habitude. Il écoutait les autres, les réconfortait. Pour leur redonner sourire, à eux aussi. Et même s'il se plaignait, dans ces quelques moments légitimes de faiblesses, de ces amis là pour leur bien-être uniquement, de temps à autre présents, il aimait les voir sourire et rire, tous ces gens. Alors, il en était content. Et sourirait, partait sautillait dans tous les sens, de tous côtés. C'est ainsi qu'il était redevenu, là, sur le toit. Souriant et heureux. Ses yeux brillants de joie, de malice peut-être aussi, amusé qu'il est. Vêtu d'une chemise blanche, d'un pantalon de velours noir et d'une veste assortie ainsi que d'une cravate d'un rouge bordeaux, sans lentilles pour une fois, Shû était lui-même : le petit ingénu, joyeux, vivant.

La journée avait été belle pour la jeune fille, il faisait beau, elle avait pu s'entrainer pendant deux heures. Une bonne journée. Le seule point noir étant les cours qu'elle avait eu du mal à suivre, comme prévu. Son Japonais n'était décidément pas encore adapté à cette rude épreuve. Mais elle y arriverait, elle avait confiance. Une chance tout de même qu'elle était en option sciences et non pas dans une option littéraire. Au moins, les profs avaient-ils écris quelques choses au tableau lui permettant de suivre une partie. Même si ce n'était qu'une très petite partie, c'était toujours ça de pris.

Après ses deux heures d'échauffement et de danse, Annabelle était allée prendre une douche et se changer. Les vêtements qu'elle portait lui tenait un rien trop chaud, elle les avait choisit alors que le soleil s'était à peine levé et avait supposé qu'il ferait froid, ce qui n'était pas le cas. Elle troqua donc ses actuels vêtements pour une jupe verte et un t-shirt blanc. Elle ne s'embarrassa pas d'un quelconque pull ou gilet n'ayant pas l'intention de sortir vu l'heure avancée qu'il allait être une fois qu'elle aurait fini de souper.

Elle avait comme projet de faire un tour de l'établissement seule, afin d'y prendre quelques points de repères. C'est donc pleine d'énergie - une douche et un repas, c'est toujours revigorant- qu'elle sortit du self pour faire un tour de l'école. En réalité, ce qui l'intriguait réellement, c'est de savoir ce qu'il y avait tout en haut. Elle monta donc jusqu'au dernier étage.
Elle fit rapidement le tour du grenier qui s'y trouvait, et finit par trouver un accès au toit. Exactement ce qu'elle avait envie de trouver, sans l'avoir pour autant formuler clairement dans sa tête. Elle avait trouver un magnifique endroit d'où on pouvait observer les alentours de l'école. Endroit visiblement peu fréquenté bien que... Son regard venait de tomber sur un jeune homme qui se trouvait à quelques pas d'elle. Si elle avait eu la volonté de faire le tour de l'école seule, faire la connaissance de quelqu'un n'était pas de refus. Elle s'en approcha donc.

- Bonsoir ! Belle soirée n'est ce pas ?

Tout en disant ces mots, elle leva sa tête vers le ciel, un grand sourire aux lèvres sans raisons apparentes.

Quelqu'un venait d'arriver sur le toit et le blondinet se retourna. Il eut peur que ce soit Shiro. Parce que, voyiez, il ne se passait pratiquement pas un jour sans qu'il ne voie Shiro (en dehors du fait qu'ils étaient dans la même chambre). Le plus souvent, c'était lui qui tombait au même endroit que son ancien bourreau, véritable yakuza, jouant à l'adorable face aux autres, mais Ange malgré tout. Et aucun des deux n'avait envie de voir l'autre. Shiro parce que le caractère de Shû l'insupportait, par conséquent, Shû indifférait l'Ange, ne l'intéressant pas, même pas en jouet. Shû parce qu'il avait, quelque part en lui, cette peur face à lui, de ce jour où il l'enleva et la tortura. Et également parce que le jeune musicien lui lançait des sarcasmes dès qu'ils se voyaient. Ou presque. Et à cause de ces presque, Shû croyait en un fond gentil du jeune homme. Au final, peut-être même que l'ingénu appréciait l'Ange, sans le savoir. Toujours est-il que la personne qui venait d'arriver n'était pas lui. Et pas Akihira non plus, cet horrible demi-frère qui regrettait du plus profondément de sa haine que le petit ange exista. Non, c'était une jeune fille, qu'il n'avait jamais vue. Non pas qu'il connaisse tout le monde. Mais il ne l'avait jamais vue, voilà tout. Et elle paraissait tout à fait agréable. Elle avait un accent, mais ses phrases étaient correctes et donc compréhensibles. Il lui offrit un chaleureux sourire lorsqu'elle lui adressa la parole. Ouf ! Enfin quelqu'un qui ne l'assassinait pas avec des mots. Ça lui changeait drôlement d'Akihira et Shiro.

-Bonjour ! Oui ! Il fait bon, et le ciel est beau, surtout vu d'ici.

Certes, le ciel, on le voit, on le voit. Mais ici, c'était plus haut, donc plus proche du ciel, et on voyait plus loin, donc plus de ciel. Donc, Shû estimait qu'ici, c'était encore mieux. Ne cherchez pas. C'est Shû.

-Je m'appelle Nakamura Shû, je suis en première année. Et toi ?

Il avait toujours son sourire aux lèvres et il était sincère. Shû, d'ailleurs, ne faisait pas un sourire sans qu'il le soit. Il souriait, et ce n'était pas pour joli, na mé oh. Il avait ralenti son rythme de parole en se disant que la jeune inconnue devait avoir du mal, d'autant qu'il était d'un naturel expansif, à tout dire, vite et n'importe comment. Et n'importe quoi.
Ici, avec cette jeune fille qui ne semblait pas méchante. Remarquez, si ça se trouvait, elle était comme Shiro : soi-disant gentille. Mais il ne le pensait pas. Et espérait qu'elle soit vraiment sympathique. Il en avait assez de ces gens antipathiques qui se moquaient, méprisaient, frappaient.
Il avait voulu, en venant ici, du calme, mais le jeune garçon était toujours content de faire de nouvelles rencontres (sauf Shiro, il se serait largement passé de le connaître). Assis en tailleur sur le bitume froid, il attendait la réponse de l'inconnue. Ses cheveux étaient noirs et bouclés et ses yeux étaient bleus. D'un bleu intense, véritablement. C'était surtout ça, ses yeux, qui avaient attiré l'œil de l'ingénu en fait. De un parce qu'il voyait rarement des personnes aux yeux autres que bruns. De deux parce qu'il adorait mettre des lentilles de toutes couleurs et que ce bleu-là lui plaisait. Il aurait bien voulu avoir pareille couleur ! Elle n'avait vraiment pas le profil d'une asiatique, et c'était dépaysant. Agréablement dépaysant. En fait, elle reflétait pour Shû une oasis dans un désert. Le désert étant Shiro et Akihira. C'était une personne bienvenue dans une journée où il n'y avait eu que ces êtres connus qu'il n'aimait pas, sans compter ses camarades de classe dont la plupart qu'il appréciait, et il en était content. Voilà pourquoi il espérait qu'elle fut gentille. Il n'avait pas du tout envie d'être une fois de plus sujet à une méprise. Deux, ça lui suffisait hein.

[La fin, c'est du charabia. J'espère que tu ne pataugeras pas trop. xD]

Aussi bizarre que cela puisse paraître, Annabelle comprenait ce que voulait dire Shû lorsqu'il affirmait que le ciel était encore plus beau de l'endroit où ils se trouvaient. Ils s'en rapprochaient, et même si c'est impossible, Annabelle avait l'impression que si elle tendait la main, elle pourrait le toucher, sentir le ciel. Ce qui, physiquement est impossible, mais même si elle le savait, elle préférait ignorer cette information.

Lorsque Shû lui avait parlé, elle avait retournée sa tête vers lui, affichant un sourire qui s'élargit encore lorsqu'elle vit celui de sa nouvelle rencontre. Il avait ce sourire qu'on les enfants, un sourire communicatif, qui se transmettait d'une personne à l'autre sans rien demander d'autres que la chaine ne s'arrête pas.
Avant de répondre à sa question, elle s'assit à ses côtés, jambes croisées et appuyées sur ses mains derrière elle pour pouvoir à la fois voir Shû et le paysage autour.

- Je suis Annabelle DeLisaire. Je suis en première année aussi. Je suis arrivée la semaine passée. Désolée si mon Japonais n'est pas très bon.

D'après elle, elle n'avait pas besoin de préciser qu'elle était étrangère, elle pensait que c'était assez visible comme ça. En effet, elle avait remarqué plusieurs différences avec les filles d'ici. Déjà, les traits du visage n'étaient pas dans le même genre, la taille aussi, du haute de son mètre 85, elle se sentait un peu grande de temps en temps, mais au fond, elle était aussi une espèce rare parmi tous ces originaires d'Italie où la plupart des femmes sont d'une taille moyenne.
Elle avait fait des pauses entre chacune de ses mini-phrases. Elle n'était pas encore capable de faire de longue phrase, mais au moins se débrouillait-elle avec les petites. En plus, elle était assez fière d'elle ayant assez bien compris ce que disait Shû, vu la vitesse à laquelle il parlait, c'était plus facile que ce qu'elle avait subit jusqu'à présent.

- Tu viens souvent sur ce toit ? C'est un bel endroit.

Elle aimait déjà cet endroit, c'était un beau petit endroit, qui semblait-il était peu fréquenté. En tous cas, elle ne voyait pas trop ce que les gens pourraient venir faire sur un toit à part vouloir se retrouver seul (ou en amoureux ?), et comme on a généralement pas envie d'être seul tout le temps, elle en déduisait que ce devait être un endroit assez peu fréquenté.
En tous cas, elle savait où revenir si elle avait besoin d'être seule et de prendre l'air.

Mais pour l'instant sur ce toit, elle avait envie d'en apprendre un peu plus sur Shû qui lui paraissait sympathique et dynamique. Décidément, pour l'instant, elle n'avait vraiment parlé qu'avec deux personnes (même si la discussion avec Shû ne faisait que commencer), elle avait aussi échangé deux ou trois mots avec d'autres élèves, mais sans plus. Pour elle, les deux avaient été chaleureux directement, avec leur sourire et leur bonne humeur. Si seulement elle savait que les deux personnes en question ne pouvait pas se supporter... Elle n'y croirait pas. Et elle aurait raison de ne pas y croire, elle ne connaissait pas cette face cachée de Shiro, juste la partie visible de l'iceberg - bien que comparer la partie chaleureuse de Shiro à un iceberg soit un peu spécial.
En attendant, elle ne se fit elle même pas de réflexion sur Shiro, se contentant d'observer Shû, de regarder comment il était habillé. Pas pour se faire une idée de son genre, ou pour le classé dans une catégorie, non, juste par simple curiosité de savoir ce qu'il pouvait aimer comme style, comme habit,... Bref, le genre de choses qu'on peut déduire sans faire d'élucubration en regardant une personne dans son entièreté - aussi réduite que soit l'entièreté d'une personne assise en tailleur.


[Mais nan, tracasse-toi pas !]

Elle se débrouillait plutôt bien pour une étrangère. Il ne savait pas s'il aurait fait mieux. Etant en section littéraire, il n'avait pas trop de mal avec les langues, mais, quand même... Et puis ces lettres bizarres, il ne s'y faisait pas. Mais au moins, il n'y en avait que vingt-six à retenir, ce qui faisait une sacrée différence avec leurs kanjis ! Sans compter les kana. Mais Shû se demandait comment ils avaient pu faire une langue avec aussi peu d'attributs. Enfin.
Annabelle DeLisaire... Darf. Encore cette consonne qu'il avait du mal à pronnoncer. Ce « R » qu'ils pronnonçaient presque comme un « L » de chez eux. Mis à part, il était facile à dire. Quoique les occidentaux s'appelaient par leurs prénoms pour des personnes du même âge... Parfait. Il allait l'appeler Annabelle, ça lui causerait moins de soucis !
Il se sentait tout petit à côté d'elle, d'ailleurs. Ce que les occidentaux pouvaient être grands ! Ils ne pouvaient pas avoir pitié d'eux et leur passer un peu de leurs centimètres ? Non ? Dommage. Ça l'aurait arrangé, par rapport à Akihira.

« Non, je ne viens pas souvent ici... En fait, c'est la première fois. Je suppose que pour toi aussi. »

C'était logique, puisqu'elle venait d'arriver !

« En tout cas, ton japonais est compréhensible ! Tu viens d'où ? »

Pas très bon en géographie, il n'essaya même pas de deviner. Sûr, il se tromperait. Lui et les origines, hormis asiatiques, hein...
La pauvre... Ce ne devait pas être la première fois qu'on lui posait cette question. Peut-être en avait elle marre ? Zut. Il n'aurait pas dû... Mais, après tout... Roh, zut. Fichue curiosité.

Il se sentait bien, ici, sur ce toit, au calme, en compagnie de quelqu'un de gentil. Il n'avait pas du tout envie de revenir dans sa chambre. Il ne voulait pas revoir Shiro. Shiro, qui l'intriguait. Oh, il savait ce qu'il était. Qui il était. Réellement. Mais il ne pouvait s'empêcher, pour ces quelques fois où il était gentil, de penser qu'il l'était. Tss. Il fallait qu'il se sorte ça de la tête ! Shiro, gentil ? Gentil, quelqu'un qui en torture d'autres ? Iie. Donc. Shiro=pas gentil. Demo...
Il secoua sa tête pour chasser ces absurdes pensées et se retourna vers Annabelle.

« Tu as pris quelle option ? »

C'était bizarre, mais c'était la première fois qu'il avait l'impression de rencontrer quelqu'un de sincère. Pas quelqu'un comme tous ses amis qui n'en voulaient que pour eux, de temps en temps. Il allait finir par penser que les occidentaux étaient plus sympathiques ! Même si c'était la première occidentale qu'il rencontrait. Mais bon.
Il lui sourit. Comme ça. Shû aimait bien sourire. Parce qu'il aimait voir les gens sourire. Alors, il souriait, pour qu'ils sourient. C'est peut-être stupide. Mais c'est Shû. Et, demandez à Satô Shiro : Shû est stupide.

Si Shû se demandait comment on pouvait faire une langue avec si peu de caractère, Annabelle se demandait comment faire avec tous ces kanjis. Elle avait énormément de mal à connaitre. Elle connaissait les kana, ce qui était déjà pas mal, mais les kanjis restaient encore un grand problème à résoudre pour elle. Mais elle se concentrait surtout sur l'oral et l'audition. Après tout, ses profs parlaient plus qu'ils n'écrivaient c'était pour l'instant sa préoccupation principale. Elle avait un peu de temps avant de penser sérieusement aux kanjis.
Annabelle acquiesça lorsqu'il supposa que c'était la première fois qu'elle était venue. Au moins cette réponse là était elle universelle. Heureusement pour elle. Imaginez si ça avait eu une signification totalement autre, elle n'aurait pas su s'en défaire facilement en plus, c'est un geste qu'on fait sans vraiment y penser, c'était si simple.

- Merci, je fais de mon mieux. Je suis Suisse, je parle italien.

Elle le précisait toujours, sachant qu'il y avait plusieurs langues en Suisse. En réalité, contrairement à ce que Shû pouvait penser, elle n'en avait pas assez de ces questions. Parce que si les gens les lui posaient, ça voulait dire qu'elle pouvait leur poser des questions similaires. Ça l'embêterait peut-être dans un futur plus ou moins proche, mais là, en tant que nouvelle arrivante et en tant qu'inconnue aux yeux de certains, dont ceux de Shû, elle comprenait les raisons de ces questions et n'y voyaient absolument aucune objection.
Il posa d'ailleurs une autre question. Qu'il ne commence pas à tout poser d'un coup, elle ne tenait pas à être celle qui parlerait le plus. Elle avait bien l'intention de le faire parler aussi.

- Je suis ici pour la danse, et en plus, j'ai pris les sciences. Et toi, tu fais quoi ?

Elle adorait le sourire de Shû. C'était vraiment un très joli sourire et elle ne trouvait pas du tout qu'on avait l'air stupide lorsqu'on souriait même sans raison apparente. Elle ne comprenait d'ailleurs pas ce principe : Quand quelqu'un sourit dans la rue alors qu'il est seul, la plupart des gens autour trouvent ça bizarre et le regardent d'un mauvais œil. Pourquoi ? C'était une question qu'elle se posait souvent lorsqu'elle souriait pour rien en rue, mais là, elle ne se la posait pas vraiment.

- Tu as un joli sourire, j'aime beaucoup.

Elle ne savait pas si ça allait poser une quelconque gêne auprès de Shû, mais elle se devait de lui faire ce compliment, c'était plus fort qu'elle, elle avait envie de le dire, et comme à son habitude pour des choses sympathique, elle ne s'était pas retenue. D'ailleurs, pourquoi aurait-elle dû ? Généralement, un compliment faisait toujours plaisir.

Elle était donc venue de Suisse... Jusqu'au Japon ? Woh ! Ce devait changer radicalement ses habitudes culturelles. Remarquez, hormis en Asie... Aucun pays n'avait les mêmes caractéristiques qu'un autre, donc du Japon. Par conséquent, elle s'y était peut-être préparée. Mais certains pays se ressemblaient plus que d'autres. Ce n'était pas comme si elle était restée en Europe (bien que la Suisse n'en fasse pas partie). Il devait y avoir des simillitudes. Ou même avec l'Amérique, du moins du Nord. Là, c'était carrément à l'opposé, et c'était le Japon.

-Si jamais tu as besoin d'aide, n'hésite pas à me demander, je t'aiderai si je peux !

Shû se disait qu'à sa place, il aurait aimé avoir quelqu'un qui puisse le guider, du moins au départ, dans un nouveau pays à la culture qu'il ne connaissait pas trop bien, à une géographie différente, avec un langage nouveau. Alors il se proposait pour Annabelle. Il ne savait pas s'il pourrait l'aider à chaque fois, mais en ce qui concernait son pays, la langue, même se retrouver dans l'université, il pensait pouvoir y parvenir. Il ferait de son mieux si elle lui demandait de l'aide, du moins.

Sciences et danse ? Lui n'aurait jamais pu prendre l'option sciences. Il ne comprenait rien aux chiffres. Encore moins tout ce qui touchait à la physique et la chimie. Les sciences de la vie et celles de la terre, ça allait. Mais encore. Tout dépendait du sujet. La danse, il n'était pas mauvais. Mais pas spécialement bon non plus. Il aimait beaucoup la danse. Tous ces mouvements gracieux, qui expriment quelque chose... C'était comme un jeu de comédien silencieux, que le spectateur devait deviner. Il sourit.

-Moi je suis en littérature, option théâtre. Tu fais quel... « genre » de danse ?

Il ne savait pas s'il s'était bien exprimé. Mais il y avait bien plusieurs genres, non ? La danse classique, la danse moderne, bien d'autres qu'il ignorait. Peut-être le mot genre ne convenait-il pas. Tant pis.
-Oui, il s'inquiétait d'un rien.
Les joues de Shû rosirent légèrement au compliment de la jeune danseuse. Tout comme il s'inquiétait d'un rien, il suffisait de peu pour qu'il s'empourpre. Il n'avait pas l'habitude de faire ou recevoir des compliments, et ne savait généralement pas comment s'y prendre, d'ailleurs.

-Oh, merci.

Et, de gêne, il sourit. Shû souriait souvent, en fait. Pour tout. Pour rien. Il n'était pas quelqu'un de difficile à atteindre. Akihira et Shiro l'avaient remarqué, d'ailleurs.

[désolée, j'ai mis beaucoup de temps à répondre >o<]

C'était vrai, le Japon n'avait strictement aucun rapport avec la Suisse, et, étant déjà allée en France et en Italie, elle pouvait dire qu'en Europe, occidentale du moins, leur culture était plus ou moins semblable. Enfin, plutôt dans la façon de vivre, il y avait des différences, certes, mais l'adaptation était beaucoup plus aisée qu'ici. Mais elle allait s'y faire, elle avait encore beaucoup de choses à apprendre, mais elle comptait faire ça au fur et à mesure, en fonction des connaissances dont elle avait besoin dans sa vie de tous les jours.
Et en effet, une aide japonaise n'était pas de refus, elle était contente qu'il se propose, elle ne savait pas si elle lui demanderait un jour quelque chose - bien que ça soit très probable -, c'était bien de savoir qu'on avait quelqu'un, au cas où.

- C'est gentil, merci ! Il y a plein de choses que je ne sais pas, mais...

Elle s'arrêta un instant réfléchissant à la suite de sa phrase, ce n'était déjà pas des plus simple à exprimer, alors dans une langue étrangère... Elle fit un signe de main à Shû pour qu'il patiente et prit son temps, pas trop tout de fois pour ne pas faire attendre. Elle reprit la parole.

- Mais... je m'en rend compte de jour en jour. Je ne saurais pas dire les différences comme ça. C'est vrai, c'est pas du tout comme chez moi, mais je m'en rends compte sur le moment.

En fait, on se rendait compte dans sa voix qu'elle n'avait aucun problèmes avec ça. En réalité, si elle avait choisit de venir à Tokyo, c'était pour plusieurs raisons : Premièrement, c'était la plus adaptée aux désidératas de sa mère et d'elle même. Deuxièmement, elle se trouvait loin de chez elle. Elle n'avait pas spécialement envie de couper les ponts avec les gens qu'elle connaissait, mais elle avait envie de dépaysement. D'aller voir ailleurs, et quoi de mieux pour une occidentale que d'aller en orient pour être dépaysée ? Et elle était servie. Toutes ces différences étaient intéressante, parfois très étrange et un peu incompréhensible pour Annabelle, mais intéressante.

Pour elle, contrairement à Shû, elle aimait beaucoup jouer avec les chiffres, elle préférait d'ailleurs les maths au sciences, même si elle aimait les sciences, la chimie notamment.

- J'aime beaucoup le théâtre. Je fais de la danse classique et contemporaine. Si tu ne sais pas ce que c'est, je te montrerais.

Elle avait appris spécialement ces deux mots, déjà pour les options qu'elle devait choisir, et aussi pour pouvoir dire aux gens ce qu'elle faisait. Il fallait toutefois faire attention, contemporaine ne voulait pas vraiment dire "d'aujourd'hui" (dans le genre hip-hop ou autre), c'était bien un genre de danse, qui était beaucoup plus dans les courbes-rondeurs, que la danse classique était plus droite, plus pointue. C'était dur à décrire, dans sa tête, elle avait des images très claire, mais pour le décrire avec des mots, c'était plus complexe.

Lorsque Shû avait rosit, elle avait trouvé ça super mignon, les gens un peu timide comme ça, elle trouvait ça mignon. Allez savoir pourquoi... Mais déjà, rien que le fait de rougir, ça donnait des couleurs au visage, le rendant quasiment plus vivant.

- Tu viens d'où, toi ?

Parce que si il venait du Japon, d'après ce qu'elle avait pu en conclure du moins, elle ne pouvait pas affirmer qu'il venait de Tokyo ou de quelques autres villes dont elle ne connaissait pas l'existence. Après tout, c'était pas l'endroit le plus petit au monde, le Japon. C'était pas le plus grand, mais venir du nord ou du sud, ça devait quand même faire une sacré différence, et une sacré trotte aussi - d'où l'invention de moyen de locomotion autre que les jambes.



[C'est pas grave, moi même je ne suis pas des plus rapide ^^']

Shû trouvait Annabelle courageuse. Et ce courage, il l'admirait. Lui, de toute façon, n'était que peur et faiblesse, alors bon. Mais, va, il était habitué. Il faisait avec, pourquoi aurait-il fait autrement ?
Et, comment pouvait-il faire autrement ? Être fort et assuré comme Shiro, il ne savait pas. Et il le laissait au désagréable jeune homme, d'ailleurs.
Il ne connaissait pas vraiment les particularités des danses. Visualisait, certes, danse classique et contemporaine. Mais ce n'était pas précis. Il aimait beaucoup l'art... Et voir Annabelle danser n'était pas une idée déplaisante, la danse était quelque chose de si gracieux ! Elle disait implicitement, exprimait silencieusement, et c'était magnifique que de voir un spectacle et d'en saisir les messages. Il aimait beaucoup, oui.

Shû rougissait souvent. Beaucoup. Trop. Pour tout, et rien. Il était très vite gêné, étant d'une nature extrêmement pudique. Alors, forcément... Son visage était souvent coloré. Mais cela accroissait l'air enfantin qu'il avait, rendant encore plus joyeuse son expression.

-Je viens de Tôkyô, enfin d'aussi loin que je me souviens, j'ai toujours habité ici.

Après tout, peut-être sa mère avait-elle vécu ailleurs. Peut-être, qu'enfant, il avait habité ailleurs. Mais si oui, il n'en avait aucun souvenir. Et quel souvenir pouvait-il avoir du temps où il était nourrisson ?
Il se soupçonnait d'avoir gardé le même visage, d'ailleurs. Cela était fatiguant, quand même, d'être toujours pris pour un garçonnet. Il ressemblait à un enfant. Il avait le caractère d'un enfant : il était aussi naïf qu'eux, aussi émerveillé, aussi énergique et joyeux. Et boudeur, également. Mais c'était ainsi. Shû n'était qu'un pauvre enfant de dix-neuf ans. Peut-être, un jour, grandirait-il.

-Tu as l'heure ? Je n'ai pas de montre, peut-être l'heure du repas va arriver. Il ne faudrait pas que nous soyons en retard auquel cas on n'aura qu'à manger des caillous ! A moins que vous le faites en Suisse ?

Il lui sourit et rit doucement, pour appuyer le fait que c'était une plaisanterie. (Parfaitement débile. Totalement dénuée de véritable humour. Mais c'était Shû. Les blagues d'enfants ne sont jamais très drôles, hormis leurs maladresses.)

-Tu n'as pas trop de mal avec la nourriture ?

Cela lui avait effleuré l'esprit, tout à coup. Il avait entendu dire que ce que mangeaient les occidentaux était différent d'eux... Et il n'y avait qu'à voir les fasts foods et barres chocolatées ou il ne savait quoi qui commençaient à s'intégrer au Japon ! C'était radicalement différent. Et puis, il paraîssait aussi qu'ils ne mangeaient pas avec des baguettes. Mais avec des fourchettes et des couteaux. Il avait déjà vu des reportages. Ça lui faisait toujours bizarre. Alors, la pauvre Annabelle devait être un peu déboussolée parmi tout ça !

Annabelle trouvait la réponse de Shû quelque peut étrange. On ne se souvenait pas d'où on était né, certes, mais on le savait... Par nos parents, ou si on en avait plus, par quelqu'un d'autre. Mais elle ne relèverait pas, parce que c'était la vie du jeune homme et que ça ne la regardait pas, et puis peut-être que ça n'avait rien à voir aussi, peut-être qu'il avait juste dit ça sans aucune raison cachée.

- C'est une belle ville, je trouve.

En réalité, Annabelle n'aimait pas vraiment les villes. Elle était plutôt du genre à aimer les balades en forêts, dans un parc ou à la mer,... Mais Tokyo était un bel endroit, il y avait cet atmosphère différente de chez elle, c'était sans doute ça qu'elle appréciait, le changement.

Annabelle sourit en levant les yeux au ciel à la blague de Shû. Des cailloux, et puis quoi encore ? De l'herbe. Non, non, elle ne mangeait pas ça, et elle avait bien compris que Shû le savait. Après tout, qui pourrait penser qu'on mange dans cailloux dans un pays étranger ? Personne. Tout le monde sait que ce n'est pas comestible, et ce quelque soit le pays d'où on vient.
Elle regarda sa montre avant de lui répondre.

- Il est 21 heure 15. Et j'ai déjà mangé. Mais si tu veux, je peux t'accompagner, ça ne me dérange pas.

Elle réfléchit un instant avant de répondre à sa question. En réalité, elle n'avait jamais vraiment réfléchis au problème de la nourriture. Bien sûr, elle avait un peu de mal à manger, les baguettes c'était pas le truc le plus pratique quand même, et bien sûr, c'était différent. Mais elle avait déjà mangé Japonais en Suisse - même si ce n'était qu'une infime partie de la véritable nourriture japonaise, c'était déjà un avant-goût. Et puis, de toute façon, elle n'était pas difficile, il y avait très peu de choses qu'elle ne mangeait pas, elle s'y faisait donc facilement.

- C'est très différent de chez moi, c'est sûr. Mais ça ne me dérange pas. J'ai juste un peu de mal avec les baguettes parfois... Sinon, ça va. Même si des fois, je mangerais bien un bol de cailloux pour me sentir chez moi.

Elle avait rajouté cette dernière partie, en faisait un grand sourire, sa langue sortant légèrement - une sale manie qu'elle avait que de sortir sa langue quand elle faisait une blague pas drôle.

Elle se releva d'un bond et tendit sa main vers Shû pour l'aider à se relever, même si il n'en avait pas besoin.

- Allez viens, tu vas manger avant que ça ne ferme.

Elle avait envie de le voir debout, juste pour voir la taille qu'il faisait, parce que jusqu'à présent, elle n'avait vu que des tous petits gens ici. Elle avait bien entendu dire que la plupart des Japonais étaient petits, mais à ce point là... Et puis, on disait bien aussi que les Italiens étaient petits, et pourtant, vu la taille de certains, ce n'était pas toujours une vérité.

Shû appréciait la compagnie d'Annabelle. Il ne la connaissait que depuis quelques minutes, mais il se sentait tranquille, serein, à ses côtés. Comme une brise qui rafraîchissait les jours chaud d'été. Oui, elle était comme cette brise. Une personne agréable parmi un frère écrasant et un colocotaire terrifiant. Ah ! si Annabelle connaissait le véritable visage de Shiro... Mais non. Parce que Shiro, aux autres, se montrait sympathique et joyeux. Pourtant, avec Shû, il apparaîssait comme ironique, sadique même, totalement indifférent. Bien que Shû persistait à croire en l'aura blanche émanant du jeune homme. Ainsi, il y aurait une troisième personne en Shiro, et cette personne serait la bonne. Un mélange des deux, peut-être. Avec son grain personnel. Quel naif faisait-il. Mais, il aimait croire en la bonté de l'homme. Le XVI ème siècle européen ne lui aurait pas déplu à la période humaniste. Ses idéologies, en l'homme, y ressemblaient. Sauf que Shû passait pour un enfant et non un philosophe, qu'il était loin, oui, loin, extrêmement loin d'être.
Il n'aurait su dire si Tôkyô était une belle ville. Il n'avait jamais vu d'autre ville que Tôkyô. N'avait jamais voyagé. N'était jamais sorti de ces quartiers japonais. Alors, il aimait Tôkyô, tout autant qu'il la détestait. Y ayant toujours vécu, il en voyait les bons et les mauvais aspects. Il espérait qu'Annabelle voient ces deux côtés aussi, parce qu'il faut absolument voir ces deux choses, auquel cas on risquerait de ne pas comprendre une ville, et c'était dangereux ! (Mais quel idiot faisait-il. Lui, si naif, à penser cela. Lui, le premier à être berné.)

-J'aime bien y vivre. Je ne sais pas comment ailleurs c'est, mais j'aime bien y vivre.

Il aimait cet endroit, toujours grouillant de monde, toute cette activité, ces animations... Mais aussi ces moments de calme, et toutes les traditions qui entouraient encore ce Tôkyô moderne. En somme, c'était un pays plutôt contradictoire. Mais il aimait ces différences. Aimait autant leur culture que toutes les choses contemporaines.
Vingt et une heures quinze ? Glups. Il allait finir par être en retard, oui. Il n'avait pas vu les heures passer. La prochaine fois, il prendrait exemple sur le jeune fille et mangerait plus tôt, pour être sûr d'avoir quelque chose... et ne pas devoir manger des cailloux !
Il rit à la réplique d'Annabelle. Bon, elle avait compris son humour et même plaisanté ! Oui, vraiment, ça faisait du bien, cette légèreté !

-Hun, il me serait plus prudent d'aller manger, oui ! Et si tu veux bien tu peux m'accompagner, ça ne me dérange pas non plus que tu viennes !
Oh, et... Si les cailloux te manquent, on pourra aller en ramasser parfois !

Heureux de pouvoir parler librement, sans quelconque angoisse, il rit et sourit à l'européenne. Puis, avant qu'il n'aille lui-même ajouter quelque chose, il se leva. Il était bien capable d'oublier d'aller manger !

-On y va, alors ? ajouta-t-il, tout sourire, heureux comme un petit enfant.

[Alors là, je m'excuse. J'ai vraiment mis trop longtemps. >____<]